Xérule furfuracée, tricholome équestre, hygrophore rouge ponceau, tous ces noms barbares vous sont inconnus, par contre, morille, cèpe ou chanterelle, sont des noms qui sonnent agréablement à vos oreilles ? Alors c’est que vous êtes amateur de champignons, mais surtout… pour les manger.
De plus en plus de personnes s’intéressent aux champignons sauvages et participent aux formations et sorties de reconnaissance organisées par les associations de mycologues.
Nos forêts en regorgent : ce serait dommage de ne pas en profiter, mais, pour que le plaisir reste entier, avant de consommer n’importe quel champignon – sous prétexte qu’il est appétissant – mieux vaut d’abord se familiariser avec cette famille botanique, plus proche des fruits que des légumes.
À défaut d’avoir un ami qui « s’y connaît » pour vous initier, une association de mycologues et quelques livres devraient rapidement vous permettre de vous débrouiller et de goûter au grand frisson, celui qui parcourt l’échine du cueilleur de champignon, tombant par hasard sur un énorme cèpe, une belle tache de chanterelles ou encore un rond de sorcière de mousserons.
Avec le temps, qui sait, peut-être deviendrez-vous un passionné qui veut tout savoir sur les champignons, comestibles ou non, mais si vous êtes simplement un gastronome amateur de promenades en forêt, vous serez comblé par cette activité saine et gratuite : récolter et cuisiner les champignons sauvages.
La cueillette de printemps
Le printemps peut sembler une drôle de saison pour parler de champignons – c’est plutôt en fin d’été et en automne que de nombreux articles y sont consacrés – ; pourtant, dès la mi-avril, plusieurs espèces comestibles colonisent champs et lisières de forêts.
L’une d’entre-elles, la morille – qui, comme la truffe, à la réputation d’être un champignon exceptionnel – mérite à elle seule le déplacement.
Bien sûr, on peut facilement s’en procurer dans le commerce où elles sont en général déshydratées, on en trouve aussi parfois des fraîches au marché, mais elles sont chères car, la plupart du temps, ce sont des morilles sauvages, difficiles à récolter en raison de leur couleur qui se confond avec les feuilles mortes décomposées couvrant le sol en fin d’hiver et, contrairement à la pleurote, la culture de la morille n’est pas encore très au point.
Mais ne vous découragez pas, avec un peu de pratique vous pourrez faire des récoltes convenables.
Le petit truc du mycologue expérimenté
Il faut bien visualiser les premières morilles que l’on trouve afin de mémoriser leur forme et leur couleur ; c’est la meilleure façon pour entraîner le cerveau à les détecter dans la végétation, comme un radar ! Ça fonctionne, je le confirme !
Blonde ou conique ?
Il existe deux variétés de morilles :
- La morille conique de couleur foncée, la plus recherchée et la plus courante ; elle peut atteindre, à maturité, environ 10 à 12 centimètres de hauteur.
- La morille blonde, plus rare, qui peut atteindre 30 centimètres.
Toutes deux sont comestibles et délicieuses, mais attention, crues ou insuffisamment cuites, elles sont toxiques.
Pour les consommer en toute sécurité, il est préférable de sécher les morilles, car en plus d’éliminer leur toxicité cette technique accentue leur parfum et permet de les conserver longtemps.
Où et quand les trouver ?
Les morilles croissent au printemps, de la mi-avril à la fin mai et même jusqu’à fin juin pour la morille blonde. Certains vieux chercheurs de morilles prétendent qu’elles commencent à sortir quand les lilas sont en fleurs et quand les bourgeons de peupliers commencent à s’ouvrir.
Elles préfèrent les endroits humides et sablonneux, le long des sentiers ou à l’orée des bois, mais de préférence dans des zones découvertes.
Elles aiment la compagnie des peupliers, des ormes et pour la morille blonde : des vieux pommiers.
Un autre endroit où les morilles prolifèrent parfois en très grand nombre : les lieux récemment incendiés, les feux de camp par exemple.
Attention à la confusion
Ne pas confondre avec un autre champignon de printemps, le gyromitre, qui est classé avec les morilles par les experts ; mais si la morille ressemble un peu à une éponge, le gyromitre, quant à lui, est caractérisé par sa forme de cerveau.
Très hâtif au printemps, on peut même parfois le découvrir dans la neige. Longtemps considéré comme comestible – en petite quantité et très cuit, comme la morille – il est maintenant classé dans les champignons douteux, après de trop nombreuses intoxications.
Les gyromitres en conserve ont même été retirés du marché ; pourtant quelques amateurs irréductibles se risquent encore à les consommer.
Dans le doute, et surtout si vous êtes de santé fragile, mieux vaut vous abstenir, de toute façon la morille est tellement meilleure que le risque n’en vaut pas la chandelle.
Éponges à polluants
Il ne faut pas cueillir des champignons n’importe où, car ils sont de véritables capteurs à polluants, oubliez les sites pollués comme les terre-pleins d’autoroutes , les bords de routes passantes ou les pelouses traitées.
Profitez des belles journées de printemps pour ouvrir l’œil, qui sait, peut-être aurez-vous la chance, au détour d’un chemin, de tomber sur quelques belles morilles bien dodues. Et si vous prenez goût à la cueillette des champignons, vous aurez ensuite tout l’été pour faire provision de cèpes, de chanterelles ou de pieds de mouton.
Puisque le destin de la morille est de finir dans notre assiette, voici une adaptation de la fameuse croûte aux morilles, originaire de Suisse et de Franche-Comté en France, qui saura dérider les papilles les plus exigeantes !
Croûtes aux morilles
Pour 4 personnes
Ingrédients
- 200 g (1/2 lb) de morilles sèches
- 200 g (1/2 lb) de rognon de veau (ou de fines lanières d’escalope de veau)
- 1 échalote sèche émincée
- 1 gousse d’ail hachée
- 90 g (6 c. à soupe) de beurre
- 50 ml (3 c. à soupe) de Cognac ou de Brandy
- 30 ml (2 c. à soupe) de farine
- 125 ml (1/2 tasse) de vin blanc sec
- 250 ml (1 tasse) d’eau
- 125 ml (1/2 tasse) de crème épaisse
- sel et poivre au goût
- 4 croûtes de vol-au-vent cuites (ou des croûtons de pain grillé)
Préparation
Faire tremper les morilles 15 minutes dans de l’eau tiède, les rincer (elles sont très sableuses) et les égoutter.
Nettoyer et couper le rognon de veau en petits cubes (ou demandez à votre boucher de le préparer), les faire blanchir dans de l’eau bouillante environ 2 minutes. Les rincer et les égoutter.
Dans une sauteuse faire revenir les morilles à feu doux 10 minutes avec 3 cuillerées de beurre, l’échalote et l’ail, les réserver. Faire dorer les rognons avec le reste du beurre et les flamber avec le cognac, les saupoudrer de farine, mélanger vigoureusement et laisser dorer 2 minutes en remuant.
Mouiller avec le vin blanc et l’eau. Saler et poivrer. Ajouter les morilles et laisser mijoter environ 15 minutes à feu doux.
Au moment du service, faire réchauffer les croûtes de vol-au-vent dans un four à 3500F/1750C, pendant ce temps, ajouter la crème dans la préparation, laisser frémir une minute et rectifier l’assaisonnement.
Servir très chaud sur les vol-au-vent.
Accompagner d’un vin d’Alsace de type Riesling ou d’un fendant Suisse.
Pour en savoir plus sur les champignons :
Le Cercle de mycologues de Montréal, Jardin botanique de Montréal
4101 rue Sherbrooke est, Montréal, Qc, Canada, H1X 2B2
Tél: (514) 872-7239
Le livre :
Les Champignons sauvages du Québec
Par Matthieu Sicard et Yves Lamoureux paru aux Éditions FIDES en 2005. 24.95 $